Donc, Jacqueline a dû définir et mémoriser un tas de mots de passe. Comme c'est une excellente employée dévouée au bien de son entreprise et parfaitement consciente des enjeux de sécurité, Jacqueline a fait bien attention, à chaque fois, à faire comme comme on lui a dit : prendre des mots de passe non-significatifs, des suites de caractères sans queue ni tête, impossible à deviner par un taliban moyen (pas les prénoms de ses enfants, par exemple). Une demi-douzaine de mots de passe, en tout, des bien tordus, du genre EzT$9I88k, qu'elle a mis un moment avant de garder en mémoire, mais au final, elle était fière de son investissement dans la stratégie de sécurité de l'entreprise.
Et puis trois mois plus tard, on lui a dit de les changer. "On", c'est un consultant sécurité de Paris qui est descendu un jour pour les consulter, et a découvert avec horreur que les mots de passe ne changeaient jamais. Quoi, les mots de passe ne changent jamais ! Mais c'est une infâmie, un scandâle, au meurtre ! Une faille de sécurité béânte ! Mais que faites-vous de la norme ISO-12445 ? Et Patatras ! Il fallait recommencer à trouver des caractères à la con au fin fond du clavier ! Eh, Mauricette, comment tu fais toi ? Ben, j'ai pris TOTO01. Et puis quand il m'a demandé de changer, j'ai pris 02TITI. Quoi ? Mais t'es folle, et la stratégie de sécurité ? Ben, tu fais comme tu veux, moi, ça marche.
Alors Jacqueline a fait comme Mauricette. Elle a pris BUBU01 et ses variantes comme mot de passe, Bubu, c'est le nom de son chat. C'est plus facile à taper tous les matins. Le consultant de Paris était content, tout était en conformité avec la norme ISO-12445. Et puis de temps en temps il faut changer tout ça, et elle n'a plus vraiment l'âge d'apprendre par coeur des absurdités pareilles, Jacqueline. Alors elle fait comme tout le monde, elle a écrit tout ça sur un post-it, et elle l'a collé sous l'écran. Depuis, tout le monde est content, la paix est revenue au service des expéditions de la SARL La Ribouldière.