Selon que l'on vit aux USA et en Europe, cette croyance est inégalement répandue. Les Américains, ça ne surprendra personne, croient dur comme fer aux vertus du travail, tandis que les Européens sont beaucoup plus sceptiques. Or ces divergences ne sont pas fondées sur des différences économiques objectives, car "l'ascenceur social" ne fonctionne pas mieux de l'autre côté de l'Atlantique.
Pour expliquer ces différences, Tirole avance une explication mathématique : la société serait divisée en deux catégories, les cyniques et les naïfs. Les naïfs croient que le travail est récompensé, les cyniques sont d'avis qu'on s'enrichit surtout parce qu'on a de la chance. Divisons maintenant de nouveau la société en deux selon la richesse de chacun, on obtient quatre camps :
- Les riches cyniques
- Les riches naïfs
- Les pauvres cyniques
- Les pauvres naïfs
Faisons maintenant voter ces partis sur le sujet du taux d'imposition. Le parti 1 a évidemment tout intérêt à faire baisser le taux d'imposition, de manière à augmenter ses revenus. Idem pour le parti 2, qui en plus, peut faire valoir de bonne foi une justification idéologique à cette politique. Les partis 3 et 4 ont, sur le papier, intérêt à augmenter les taux d'imposition, de manière à plumer les riches à leur profit mais, les 4 étant naïfs, ils supposent que leurs mérites finiront un jour par être reconnus, et ne souhaitent pas être privés par anticipation des fruits de leur labeur, d'où le ralliement du parti 4 aux thèses des nantis.
L'analyse mathématique conduit à deux situations d'équilibre possibles, une où le taux d'imposition est bas du fait de la forte proportion de naïfs dans la population, une autre où il est élevé du fait de la forte proportion de cyniques. Ceci correspond aux deux situations observées de part et d'autre de l'Atlantique.
Un article fascinant qui ouvre bien des perspectives.