L'anecdote révèle deux choses. La première, c'est que Cicéron avait de la répartie, ce qui n'étonnera personne. La seconde, c'est que pour les romains, mourir avant soixante ans, c'était mourir jeune. De fait, parmi les rares romains illustres qui périrent de mort naturelle, beaucoup d'entre eux avaient atteint un âge canonique. Caton l'ancien, par exemple, mérite bien son surnom : il périt à 85 ans. La chose est d'autant plus surprenante qu'il a vécu bien avant l'apogée de l'empire. Cicéron, pour sa part, n'a vécu que 63 ans, mais il est vrai qu'il fut exécuté par Marc-Antoine.
Contrairement à la légende que colportent beaucoup d'imbéciles, dans l'ancien temps, on n'était pas un vieillard à quarante ans. Certes la mortalité infantile était élevée, ce qui diminue considérablement l'espérance de vie moyenne, mais pour qui survivait à ses premières années, il n'était pas déraisonnable d'espérer vivre soixante-dix ou quatre-vingt ans, tout comme aujourd'hui. Ramses II, qui durant son existence ne s'était de toute évidence guère économisé, vécut tout de même plus de 90 ans, son collègue Louis XIV 77 ans (dont 72 de règne), son épouse madame de Maintenon lui survécut quatre ans, bien qu'elle lui fut ainée de trois. Quand au vieux Voltaire, dont on vend encore le crâne enfant, il décéda à 83 ans. Et les chroniques mediévales regorgent d'histoires de chevaliers largement sexagénaires et chaussant néanmoins la cotte de maille pour aller escogner l'anglois, le turc ou l'hérétique du coin. Bien avant l'invention des antibiotiques et des scanners, il y avait même des centenaires, qui ne devaient pas courir les rues bien sûr, mais enfin, le phénomène n'était pas inconnu. On a d'ailleurs recensé quelques cas historiques de supercentenaires (plus de 110 ans) décédés au XIXe siècle ou avant. Détail amusant, Michel Eugène Chevreul, fondateur de la science gérontologique, savait assurément de quoi il parlait puisqu'il trépassa à 102 ans, en 1889.
Alors, pourquoi tant de gens croient-ils dur comme fer qu'au moyen-âge, on mourait tous à trente ans ? Sans doute pour justifier l'importance de l'armée médicale et de l'industrie pharmaceutique, dont on sait bien les fortunes qu'elles nous coûtent, mais qui sont en retour sensée nous apporter l'immortalité, ou au moins une substantielle augmentation de la longévité. Ce qui, de toute évidence, n'est pas le cas. Combien de vieillards du siècle passé ont-ils rejoint leurs pères avant que ne fut tenue la promesse qu'ils entendirent, dans leur jeunes années, que bientôt, tout le monde vivrait cent ans ?
La médecine est la plus grande escroquerie de tous les temps.
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