" OK, the pitch ! "
Adam avait quand même quelques arguments pour asseoir sa crédibilité. C'était déjà un professionnel aguerri. On ne savait pas trop de quoi, mais un professionnel, d'ailleurs, ça faisait un moment qu'il traînait dans soirées, dans les villas chic, sur les collines, serrant la paluche aux acteurs de seconde zone, cirant les pompes aux réalisateurs de nanars, baisant les ex-princesses Disney en post-cure, distribuant sa carte à tout ce qui semblait être de nature à produire un film. Il avait été figurant dans " Zombies of the Dead ", assistant-réal sur huit épisodes de " Wings of Desire " (avant de se faire lourder parce que sa gueule ne revenait pas à cette vieille pédale de Lorne Hamilton), producteur exécutif de " Wilbur ", un indie qui n'était sorti qu'à Sundance, chroniqueur ciné à la télé locale, compositeur de la bande son de " Five Stars " (une série policière cancellée dans l'indifférence générale bien avant qu'on ne s'aperçoive qu'il avait pompé la zique sur deux obscures séries des années 60 qu'il avait fait trimer et sampler par un cousin à lui), responsable des effets spéciaux de " Alf : the movie ", casting director sur " Mice ! ", directeur artistique de " Transformers III " et fournisseur de cocaïne sur le plateau de " Family Farm ", et c'était d'ailleurs à ce dernier titre qu'on lui prêtait une certaine compétence en matière de divertissement pour enfants.
" Alors voilà, vous connaissez Star Wars. Vous connaissez aussi Lego. Il y a quelques années, Lego avait sorti une série de briques autour du thème de Star Wars, ils avaient fait des millions avec ça. Tellement qu'ils ont décliné ensuite en jeu vidéo, avec Obiwan Kenobi en Lego, Leia en Lego, etc...
- Attends, mec, une minute, dit Dave Kreutzenberger de sa voix caverneuse. Dis, tu me prends pour Bill Gates ? Tu crois qu'on a les moyens de se payer la licence Star Wars ?
- Non, non, c'est juste un exemple. C'est histoire de dire qu'on peut mixer deux concepts, même si ça semble complètement débile, vous voyez, même si c'est complètement fou comme truc, eh bien, avec un bon marketing, ça passe ! On peut faire du big money.
- Ah ouais. OK, quoi alors ?
- Voilà, j'ai appris que vous étiez en négo avec la Marvel. Bon, vous savez que Marvel, y'a du bon et du moins bon, des franchises qui gagnent et d'autres bidon. Des personnages qui marchent, des univers qui marchent, et puis des trucs genre Ghost Rider ou Punisher, c'est que d'la merde. Bon, moi, je dis, pour assurer le concept, on attaque direct avec le personnage le plus populaire de Marvel, celui qui a toujours marché le mieux : Spider-Man.
- Déjà vu. Ils en ont fait trois films, ça a bien marché mais c'est trop tôt.
- Oui, c'est du déjà vu, sauf si on mixe ça avec autre chose ! Moi ce que je vous propose, c'est un film d'animation en 3D, avec Spider-Man, dans l'univers de Spider-Man, avec les super-vilains, l'araignée radioactive, tout ça, mais... c'est des véhicules !
- Pardon ?
- Open mind, open mind. Imaginez, comme dans Cars, ça avait bien marché Cars. Mary-Jane par exemple, c'est une Ferrari rouge super bien carrossée. Tante May, c'est une vieille ford T, vous voyez, et Biff Rifkin c'est un camion, Jonah Jameson c'est un tank Sherman...
- Et Spider-Man ?
- J'avais pensé à un hélico. Le jour il travaille pour la presse, la nuit il traque le crime depuis les airs, un hélico.
- Ah ouais... pas con.
- Et vous savez pourquoi il traque le crime, Spidercopter ?
- Euh... parce que c'est un bon gars.
- Eh non, il a une vraie motivation. S'il pourfend les méchants, c'est tout simplement pour venger... Hein ? Hein ?
- Pour venger ?
- Son oncle-benne ! Son oncle-benne ! Aaaaaaah ah ah ah ! Son oncle-benne ! Aaaaaaaaaaaah ah ah ah ah ah ah ! C'est Spider-Man et il a un oncle-benne ! Aaaah ! "
Adam Winterbutt passa les deux mois qui suivirent en maison de repos, où il apparut qu'il souffrait d'abus de boisson, d'amphétamines et de surmenage. A sa sortie, il retourna à Topeka planter des topinambours dans la ferme familiale.