Comment en suis-je venu là ? C'est une longue histoire. Non, je ne suis pas un mutant ni un extraterrestre. Je dois mes pouvois à une aventure qui m'échut dans ma jeunesse, alors que je revenais tardivement d'une soirée. J'avais un peu picolé, je l'avoue, et en citoyen consciencieux, je renonçais à prendre la voiture, le trajet pouvant se faire à pied. Je vivais alors en Lozère, contrée un peu farouche, et le raccourci que je voulais prendre m'amenait à traverser un petit bois que d'ordinaire, les gens d'ici évitaient. Mais l'alcool aidant, rien ne me faisait peur, aussi est-ce d'un bon pas que je traçais ma route à la lueur d'une torche (électrique, quand même).
Or donc, je cheminais, la tête perdue dans mes pensées, quand j'avisais, assise dans le bas-côté, une vieille femme prostrée. M'enquérant de sa santé, elle me dit qu'elle se reposait quelques minutes, fatiguée qu'elle était de porter un gros fagot de bois. Qu'auriez-vous fait, vous ? Bon con, je me propose de porter le bois pour elle - de toute façon ce n'était pas bien loin. Nous arrivons chez elle, à sa chaumière devrais-je dire, et elle m'invite à boire un verre chez elle pour me remercier. L'usage lozérien veut qu'on ne puisse pas refuser, c'est ainsi. Bref, je me retrouve dans cette masure, du genre rural, qui sent les herbes, et qui aime la taxidermie. Je comprends alors dans un frisson glacé que la vieille est la fameuse "vieille du bois", la sorcière dont j'avais parfois entendu parler furtivement. Je bois la tisane odorante que me tend la vieille, et aussitôt, ma tête me tourne, je me sens mal... Et là elle me sort de sa voix chevrotante, dans ce patois que seuls comprennent les vrais gens du pays, qu'en remerciement de mon bon coeur, elle m'a fait le don merveilleux de "passe-cognes". Depuis ce jour, c'est immanquable, je n'éveille jamais l'attention des force de l'ordre.
C'est ça, ou alors c'est parce que je suis blanc.