
France
Ici s'énerve un couple hâve,
Anciens bobos désargentés,
Bien habillés encore, ils doivent
Se fournir aux vides-greniers.
Tenant à la main leur fourbi,
Traînant derrière eux un corniaud,
Savent-ils encore quel gourbi
Leur servira d'abri tantôt ?
Plus loin discutent deux Roumaines
Rigolant de qui ? D'un nigaud ?
Quel secret ces cartomanciennes
Ont-elles tiré de leurs tarots ?
Assis par terre, entre deux porches,
Macérant dans son futal moite,
Un clodo ivre me reproche
D'être un bourgeois qui vote à droite.
De l'autre côté de la rue,
Ils sont debout, eux, les migrants.
L'un noir, épais, cheveux crêpus,
Bras croisés, du chef opinant
A ce que dit son compagnon.
Turc ou Arabe, Romanichel ?
De quelle contrée vient-il donc,
Ce citoyen universel ?
Il me jette un regard mauvais,
Ou plutôt craintif, attentif,
Je doute qu'il ai tous ses papiers
En règle, ce grand escogriffe.
Puis, tous se taisent.
Puis se tendent.
Regardent.
Louchent.
Assisterè-je donc ce soir
A quelque affrontement ethnique ?
Défendront-ils leur territoire ?
Sortiront-ils fourches et piques ?
Que se passe-t-il ? Je ne sais...
Je comprends, c'est la supérette.
La patronne a fait sa journée
Et, inspectant les étiquettes,
Expose le trésor parfumé
Qu'elle celait dans son escarcelle.
La bouffe fraîchement périmée.
Ils n'attendaient que les poubelles.